Le climat n’a jamais été aussi délétère au centre de tri Tours-Marceau (180 salariés). Les facteurs semblent à bout. Ils ont manifesté leur ras-le-bol hier.

Hier, une soixantaine d’agents ont manifesté devant le centre de tri, rue Marceau, à Tours.

Ils sont cinq agents du centre de tri de La Poste de la rue Marceau à Tours, réunis dans le local syndical de la CGT, à Saint-Avertin. Trois d’entre eux refusent de témoigner à visage découvert. Un cadre supérieur, en longue maladie, s’explique : « J’ai lâché prise il y a deux ans, je ne pouvais plus faire le grand écart entre les injonctions de mes supérieurs et ce que je croyais juste de faire. On m’a piétiné, nié, j’ai compris qu’on pouvait se suicider dans des contextes pareils. » Les mots sont durs, et la souffrance est lisible sur le visage.

Yvan Wehdeking, secrétaire départemental CGT de La Poste, prend la parole « pour traduire le mal-être ambiant des agents de Tours-Marceau, où, depuis plusieurs années, les conditions de travail du personnel de l’exécution et des encadrants se dégradent. »

Une jeune collègue factrice dénonce « la pression croissante sur les agents et les encadrants, les brimades, la politique de management insupportable. » Les facteurs ont le blues et l’ont fait savoir hier après-midi en manifestant devant leur établissement.

Jointe par nos soins, la direction, par la voix de Sylviane Manrique, directrice des relations humaines de région, au Champ-Girault, se dit d’abord « gênée et choquée que certains évoquent un suicide ou des fausses couches, des événements personnels extrêmement douloureux, alors qu’aucun lien n’a été fait avec le travail. En décembre, j’ai demandé qu’un CHSCT spécifique local ait lieu sur le sujet de la pénibilité au travail : il n’en est rien ressorti. A la dernière audience avec la direction, la CGT n’est même pas venue... »

La direction appelle au... dialogue

La DRH met sur le compte « de la peur du lendemain, du changement », les inquiétudes des agents « avant cette période de réorganisation qui s’annonce. Nous voulons engager le plus possible un vrai dialogue social avec les organisations professionnelles. Il faut tout mettre à plat. Mon souhait, c’est que tous les agents de La Poste aillent bien. Le directeur a prévu d’organiser rapidement des groupes de travail à cet effet. »

Franchise postale

Ils vont à pied, à vélo, à scooter ou en voiture et même en quad électrique, chaque matin, six jours sur sept, avec un week-end complet tous les deux mois, pour des salaires les plus bas de la fonction publique. Leur travail a changé, leurs patrons viennent parfois du privé, et le leur font remarquer... Les facteurs ont le blues. Hier, ils étaient dans la rue. Après leur tournée. Service public oblige.

le chiffre

185

C’est le nombre d’emplois perdus depuis près de trois ans à La Poste sur le département. Sur le site Tours-Marceau, ils étaient 232 en 2008 et 180 aujourd’hui. 1.200 postiers travaillent en Indre-et-Loire. Le salaire d’embauche est de 1.050 € nets mensuels, sur douze mois. « Au bout de 30 ans d’ancienneté, sans doute parce que je suis représentant syndical depuis 20 ans, je gagne 1.500 € par mois », indique Yvan Wehdeking, facteur, secrétaire départemental CGT.

la question

Le métier de facteur a-t-il changé ?

Danielle Gendron, déléguée syndicale CGT, factrice : « Le travail s’est intensifié depuis cinq ou six ans, et l’encadrement traite de plus en plus les facteurs en coupables de ne pas réussir à tout livrer dans les temps, à ne pas suivre les objectifs commerciaux. Nous ne sommes plus dans les valeurs du service public auxquelles nous sommes attachés, nos directions font tout pour casser cet esprit, ces valeurs. »
Pascal Landré